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Augustin, bébé secoué sans auteur condamné : le crime restera-t-il impuni ?

Par Swéta PANNAGAS

Avocate spécialiste en droit du dommage corporel et traumatisme crânien de l’enfant

 

Vendredi dernier, 16 décembre, le #verdict est tombé dans le procès de la « nounou d’Augustin », bébé secoué décédé en 2015 à l’âge de 10 mois.

L’accusée, âgée de 61 ans, au casier judiciaire vierge et décrite comme une assistante maternelle « exemplaire », comparaissait devant la Cour d’assises des Hauts de Seine, à Nanterre, du chef de « violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité ».

Alors qu’une peine de cinq ans avait été requise par le Ministère public contre celle qui a toujours nié les faits de secouement, l’accusée a été acquittée par la Cour au bénéfice du doute.

Larmes de joies et de soulagement d’un côté de la barre versus larmes de tristesse et de douleur de l’autre.

Au-delà des larmes de part et d’autre, reste un constat peu satisfaisant, un crime d’enfant, un bébé secoué décédé, reste en l’état impuni au terme d’une décision peu satisfaisante sur le plan médico-légal qui nous inspire ces libres propos.

 

 

 I.   Les faits

 

Augustin avait 10 mois au moment de son décès en 2015. Hospitalisé en urgence après l’appel téléphonique des secours par la nourrice, il lui était diagnostiqué un hématome sous-dural et une hémorragie rétinienne, deux signes susceptibles de caractériser l’existence d’un #syndrome du bébé secoué, un #traumatisme crânien non accidentel correspondant à un geste de secouement d’une grande violence. Il décèdera 16 jours plus tard de ses lésions.

 

 II.   La procédure expertale

 

En matière expertale, une fois le syndrome du bébé secoué diagnostiqué, encore faut-il, exercice délicat, le dater.

Les recommandations de la HAS – Haute Autorité de Santé - conçues en 2011 et actualisées en 2017 sont essentielles tant dans le diagnostic, sa démarche que la datation du secouement.

Sur le secouement et son diagnostic

Augustin est décédé des suites d’un secouement en 2015, c’est un fait qui semble établi, confirmé par les #expertises pratiquées.

Les experts qui se sont succédés dans ce dossier ont bien retenu des lésions constitutives d’un syndrome du bébé secoué

La datation (le moment du secouement)

L’avocat général avait soutenu qu’il lui apparaissait « absolument indubitable que cet enfant a été secoué le 24 novembre après avoir été remis par son père à l’assistante maternelle »

La Cour estime néanmoins ne pas avoir pu déterminer la « datation de l’hématome sous-dural » et donc des faits de secouement reprochés.

Elle retient : « La durée de l’intervalle » entre les lésions et l’apparition des premiers #symptômes « a été appréciée de manière moins catégorique par les experts lors des débats »

« La datation de l’hématome sous-dural ne peut être fixée de manière certaine au 24 novembre 2015 au matin» quand la nourrice avait la garde de l’enfant

Or, en matière pénale, s’il y a bien une certitude, c’est que le doute profite à l’accusé.

 

 III.   Un doute, des doutes ?

 

Si le doute doit profiter à l’accusé, encore faut-il que le doute porte sur la #datation du syndrome du bébé secoué et non pas sur la méthodologie de la datation issue des recommandations HAS et les expertises en résultant.

Or, y avait-il réellement un doute sur la datation au regard de l’autorité des #recommandations de bonne pratique de la HAS ?

Les recommandations #HAS rappellent que la datation repose sur un faisceau d’arguments cliniques, radiologiques (les examens peuvent être répétés), éventuellement anatomopathologiques (données de l’autopsie) et de données d’anamnèse. La datation est du ressort de l’expert judiciaire qui prendra en compte toutes les lésions cliniques et paracliniques associées (ecchymose, fracture, œdème pulmonaire…), et disposera de l’ensemble des pièces médicales ainsi que des pièces de #procédure.

Plusieurs publications, qui ont étudié les récits complets des faits par les auteurs ou par des tiers au contact de l’enfant au décours d’un #secouement, indiquent que les symptômes, lorsqu’ils sont rapportés, surviennent immédiatement : l’enfant a d’emblée un comportement inhabituel. L’analyse rétrospective de ces données cliniques rapportées peut préciser dans certains cas le moment de cette modification et ainsi permettre une datation clinique.

Pour la datation des faits, l’imagerie étant imprécise, les recommandations de la HAS ont ainsi mis en exergue la datation clinique reposant sur la concomitance entre secouements, lésions et symptômes (notamment les troubles de la vigilance, du tonus, de la respiration)

Dès lors, en l’état des données de la science, il est erroné d’indiquer qu’il y a un « intervalle » possible entre les lésions et l’apparition de premiers symptômes évocateurs ci-dessus mentionnés au terme des débats.


 Les experts ont d’ailleurs tous affirmé que le secouement précède immédiatement les symptômes.

Autrement dit, dès que le #bébé est secoué, il n’est cliniquement plus « normal ».


Il ressort des propos repris dans la presse que les parents soutenaient que l’enfant allait bien quand il avait été déposé chez la nourrice tandis que celle-ci soutenait au contraire que le petit serait apparu « pâle » et « fatigué ». Il n’aurait pas mangé et alors qu’elle le mettait au lit, le petit Augustin serait devenu « tout mou ».

Guidée par les pompiers par téléphone, elle avait pratiqué un massage cardiaque qui avait redonné vie au petit avant qu’il ne plonge dans le coma après sa prise en charge par les secours.

Sans entrer dans le fond de l’affaire la datation sur la base de la symptomatologie clinique, et les données de l’autopsie notamment sont censées permettre de reconstituer assez précisément cette datation sur la base des recommandations HAS.

De la même manière parler d’intervalle quand l’immédiateté est retenue dans les recommandations HAS revient à les dénier et constitue à notre sens une erreur d’appréciation manifeste susceptible d’être contestée en appel, tout comme remettre en cause l’autorité des recommandations sans étayage scientifique et juridique pertinent. Un #déni de justice ? 

   

IV.   L’autorité renforcée des recommandations de bonnes pratiques de la HAS et l’absence de controverse internationale démontrée

 

Les avocats de la #défense ont fabriqué de toutes pièces l’existence d’une « controverse internationale indéniable, chez les savants, sur le syndrome du bébé secoué » remettant en cause la fiabilité des paroles des experts qui s’appuient sur les recommandations HAS.

De quoi mettre le doute chez les jurés néophytes et le Président lui-même.

Néanmoins de tels propos érigés en vérité absolue et repris par la presse sans aucune distance, sont contraires à l’état des données scientifiques disponibles et symptomatiques d’une défense cultivant une désinformation qui ne peut qu’être dénoncée.

En effet, à ce jour, l’existence d’une #controverse scientifique au niveau international n’existe tout simplement pas ;  elle n’existe pas même au niveau national malgré une #médiatisation savamment entretenue par certains défenseurs d’accusés ou de prévenus d’auteurs de SBS aux discours emplis d’affirmations péremptoires, invoquant de prétendues libertés fondamentales détournées à des fins démagogiques là où une avancée significative a pu être réalisée en vue d’un renforcement de la #protection de l’enfance.

Les recommandations de la HAS résultent d’une analyse rigoureuse de la littérature scientifique et médicale internationale par un groupe de travail composé d’éminents professionnels issus des sociétés savantes de leur discipline, après vérification de l’absence de conflit d’intérêts. Ces recommandations ont été validées par les sociétés savantes elles-mêmes pour l’essentiel.

La validité des recommandations de la HAS a été confirmée par le Conseil d’état le 7 juillet 2021 alors que leur abrogation avait été sollicitée par des défenseurs d’accusés ou prévenus de faits de #SBS confondant diagnostic, datation et sanction pénale. Le Conseil d’Etat a confirmé que la recommandation « ne peut être regardée, au regard des connaissances médicales avérées (…) comme étant entachée d'erreur manifeste d'appréciation » et ne portent pas atteinte à la présomption d’innocence.

Curieusement, cela n’a guère été relayé dans la presse, pas assez vendeur sans doute…

 

L’arrêt criminel rendu par la Cour d’assises des Hauts de Seine le 16 décembre dernier n’est pas à ce jour définitif et sans égard à la culpabilité ou non de l’auteur qui n’est pas l’objet de notre article, force est de conclure que la motivation extraite n’apparaît pas satisfaisante.

Gageons qu’un nouveau procès d’appel pour la manifestation de la vérité aura lieu, quelle qu’en soit l’issue, pour que #justice soit rendue à Augustin.

 

 #JusticePourAugustin #JusticePourTous

#Stopbébésecoué #CollectifvictimesSBS

#HAS #Avocatdesvictimes #Cabinetavocat #SBS #Syndromedubébésecoué #Traumatisme #Justice #Droit #Prévention

 

 SP.

Avertissement : cet article a été écrit sur la base des éléments disponibles dans la presse et sans accès aux pièces du dossier, il constitue un avis personnel sans aucun jugement sur la culpabilité ou non de l’accusée.

 

Sources :

https://www.has-sante.fr/jcms/c_2794425/fr/syndrome-du-bebe-secoue-ou-traumatisme-cranien-non-accidentel-par-secouement

https://www.ouest-france.fr/ile-de-france/montrouge-92120/bebe-secoue-a-montrouge-une-assistante-maternelle-acquittee-05db8e2b-9843-42b7-b277-660e9edb7641

https://www.leparisien.fr/hauts-de-seine-92/mort-dun-bebe-secoue-a-montrouge-la-nourrice-daugustin-est-acquittee-16-12-2022-D72WZBYAFVC3TMJVQ3YZJCRI64.php

AJ Pénal, avril 2022, syndrome du bébé secoué, halte au dénialisme, par le docteur Anne-Laurent Vannier

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000043799746

 

 

 

 

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